Voila plusieurs semaines que vous écrivez des haïkus, pourquoi pas leur offrir un écrin littéraire ! Bashô, le célèbre poète japonais, avait inventé cette pratique : un texte en prose déroulant une histoire dans laquelle les haïkus s’intègrent !

Style d’écriture proposé au dernier live Facebook sur les haïkus, Pascale P a relevé le défi, voici son haïbun :
Histoire du monde – Pérégrinations incertaines – Volume 11 – Les chemins creux
Tout commence au petit matin. Le nez dans le bol de café, l’esprit légèrement embrumé, le corps encore endolori des aventures de la veille. On parle peu, on laisse la journée prendre place.
La douche chaude, très chaude. Les chaussettes, épaisses, qui n’éviteront pas les ampoules pourtant. Le pantalon long qu’on troquera avec un short dans la journée. Un T-shirt, un sweat, une veste. Au fil des heures, on s’épluchera des épaisseurs superflues. Les chaussures, raides et lourdes au pied, de prime abord.
La thermos de café, le nerf de la guerre, la gourde d’eau, le chapeau. Sac au dos bien arrimé.
Premiers pas, départ
Mise en route, échauffement,
Liberté, bonheur.
Les conversations discrètes et anodines font la bande son. Le bruit des herbes hautes couvertes de rosée, le ronronnement d’un tracteur au loin, la terre qui fume aux premiers rayons de soleil. On quitte la petite route gravillonnée pour prendre un sentier pentu. Une jolie grimpette pour se dérouiller les muscles et les poumons. L’air qu’on expire forme de petits nuages, il fait encore frais.
Au sommet, on se laisse aller à rêver devant le panorama, quelques rires fusent, le monde est là. Le chemin sinueux nous pousse à avancer vers de nouvelles découvertes. Les taillis qui le bordent recèlent parfois de minuscules trésors au milieu des épines.
Brume danse
Écureuil roux agile
Feuilles mouillées
On devine à travers les feuillages mordorés quelques toits du hameau voisin. Le chemin bifurque et descend dans une clairière abritée. Un ruisseau à peine visible la traverse. Gorgée de café odorant, bercée par son chant ténu.
La pause terminée, on change d’univers. Se taire, se laisser imprégner.
Sous-bois solitaire
Craquements secs, troncs moussus,
Monde habité
Les muscles fonctionnent en autonomie, le pas souple et régulier, l’esprit vagabonde. Le groupe s’organise et se recompose au rythme des foulées de chacun. On papote, ou pas. S’offrir un moment de solitude choisi, se donner la liberté de n’être que sensations.
Chaussures enlevées
Pique-nique sur les troncs couchés,
Bonheur des orteils
Repartir après la pause n’est pas chose facile, le corps se croyait au repos. On revient à la civilisation, le plein ciel bleu retentit des chants d’oiseaux, les insectes bourdonnent, c’est la vie discrète et omniprésente. On se retourne au détour d’une côte pour relire l’itinéraire parcouru. Fatigue confortable du voyage accompli.
Bleu du soir tombant
Fraicheur du jour achevé
Douce chaleur d’un feu