Ecrire en plein-air

Vivre l’expérience des éléments qui nous accompagnent pendant l’écriture : les croassements des grenouilles, l’herbe fraîche, la brise du vent, la lumière tamisée par un nuage…

Ce samedi 19 juin, les écrivants ont écouté, observé.

Un autre atelier en plein air est programmé le lundi 19 juillet de 14h30 à 16h30 : inscription en ligne.

Voici quelques textes réalisés durant l’atelier à la Ballastière :

Le bruissement des ailes du colvert se fond dans l’eau dont le clapotis caractéristique indique qu’il a achevé son vol de reconnaissance. Il y est : « l’étang de grâce » sur lequel il vogue libre au gré de rencontres hasardeuses : la tourterelle turque qui conjugue son roucoulement avec le bruissement des feuilles. Le bruit mat des pagaies que l’on rentre dans les barques révèle l’inéluctabilité du changement imminent. Changement amplifié par le grondement de l’orage au loin. Et ce n’est pas ce vol de mouettes, ces charognards tournoyant autour de la maigre pitance que le canard aura trouvée, qui viendra contredire ces prédictions. Traites-moi de Cassandre, mais derrière cette hypotypose de quiétude digne de primitifs flamands, à travers le prisme de mon regard, je perçois cet équilibre fragile de cette nature accueillante pour les uns et hostile pour d’autres. Et moi, j’observe ce tableau animé dont la musicalité des paroles n’a d’égale que le contrepoint du temps qui passe.

Lynda

Le parc, je préfère l’écouter. Devant moi, les papillons volent par deux au-dessus des fleurs s’épanouissant au soleil. Au loin, on entend la poule d’eau gémir en cris réguliers. Sur la rive de l’étang, un rassemblement de mouettes se forment. Elles organisent une manifestation contre ces humains milliardaires qui ont racheté le parc, l’été dernier. Le héron rêveur pense avec malice à aller taquiner les carpes, tétanisées devant l’oiseau majestueux. De leur côté, les fleurs murmurent avec un sourire mouillé de leur belle Andalousie, quittée quand elles étaient encore à l’état de petites graines. Le vieux chêne, derrière elles, appréhende le temps où il deviendra bûches ; pour tenir chaud à ses assassins. L’arrogant épicéa est plein de légèreté devant le désarroi de son ennemi. Lui a de la chance : c’est le roi de l’hiver et il illumine le doux feu de cheminée. Les feuilles mortes ne disent rien, tombées récemment. Le corbeau noir, agacé devant le calme du parc, prend son envol. Eux les hommes étonnés en entendant son cri strident, ne comprennent pas ce qui se passe dans la nature.

Clémence

Que nous raconte la nature autour de nous ?

Le silence n’est total dans la nature qu’à l’approche d’un orage où tout se fige. Sinon, si l’on est attentif, le bruit des canards qui s’ébrouent dans le lac, le merle qui offre son chant, les cygnes qui s’élancent, tout est vie. Une colonie de pucerons noirs qui s’agglutinent sur la tige et attaquent la sève des feuilles, des insectes qui volètent et s’approchent de mon visage attirés par l’odeur sucrée de la sueur, les inlassables fourmis, travailleuses infatigables programmées pour protéger leur espèce. Si la main de l’homme laisse intacte la pousse et la floraison, en quelques années son habitacle disparaît sous des arbres poussés à partir de graines minuscules portées par le vent. Les papillons colorés enchantent nos yeux, sans doute inconscients de leur vie éphémère.

Écoutons la nature respirer et laissons entrer en nous le calme et la sérénité.

Marie-Christine H         

Voyage autour du lac

La vie reprend, le parc s’anime. Raclement de semelles sur le bois de la rotonde, partage imposé de chants à thème, puis la musique en arrière-fond accompagne l’écriture. Certains oiseaux tentent de rivaliser mais leurs mélodies sont absorbées par la puissance de la sono. Ils doivent partager leur espace sonore.

Je ferme les yeux pour rentrer dans ma bulle et mieux appréhender les sons. Mais difficile d’écrire les yeux fermés. J’hésite. Créer mon espace calme seulement perturbé par le ressac léger d’un bord de mer d’Espagne du sud. Soudain, un canard plongeant dans le lac interrompt mon voyage intérieur. Puis, sans hésiter j’avance dans cette eau bleue à vingt-cinq degrés où l’air brûlant caresse mes épaules. Bonheur de nager dans l’eau salée qui me porte. Je flotte face au soleil, je me laisse aller à rêver. Mais le canard bruyant m’interpelle et je reviens au lac. Ça discute ferme entre congénères.

Une odeur de churros titille mes narines, ça change des saucisses-frites ! Je suis loin.

Deux papillons volent de concert, en silence. Ont-ils des cris inaudibles pour l’homme ? Des rires francs, longtemps oubliés se mêlent aux discussions joyeuses du groupe derrière moi contrastant avec le silence sous la rotonde des écrivants concentrés.

Soudain c’est l’heure et comme un appel au ralliement les canards s’animent, puis se taisent religieusement. Nous observent-ils en se demandant pourquoi nous ne piquons pas une tête dans cette eau fraîche si attirante. Drôles de zigs ces humains doivent-ils penser.

Marie-Christine H          

Poème à Dame Nature

J’écoute le souffle du vent qui expire

Les nouvelles idées, le futur à venir

J’écoute les feuilles qui me sussurent

Les odes perdues les amours qui furent,

J’écoute le qui se part de plumes

Dans la danse envoûtante aux milliers de corps

Assemblés désassemblés sous les rayons d’or

Translucide arc en ciel ou opaque brume,

Je vois le berceau qui chancèle le torrent

En glougloutant tous les remous hors du lit

En un geignement craintif qui rappelle l’enfant

Qui geigne et qui pourtant nous sourit.

Je la vois marmonner la murmuration

Dans les ailes virevoltantes et les étoffes froissées

Se balaçant en cadence de corps fins en hanches galbées,

D’oiseaux angelliques à ma diablesse sans raison.

J’écoute tes silences éclipsant nos souffles mêlés

J’écoute ta voix qui tous les jours me fait avancer

J’écoute le vrombissement du moustique la neige qui tombe

Les étoiles qui s’éteignent la lune qui pleure

J’orage d’écouter ces passif-agressifs ces berges qui succombent

Leurs mensonges le soleil qui hurle et ma foi qui meurt,

J’écoute cette peau diaphane, ce petit coeur qui tape pour moi

J’écoute ta puissance ta mélodie éternelle j’écoute ma voie,

J’écoute ton horizon du couchant le châle de l’aube blême

J’écoute pour ne rien dire et t’offrir mon coeur qui t’aime.

A.A

Nature parquée

Elle est là depuis si longtemps

A fixer de ses yeux emplis de larmes

Les badauds les génies les artistes les passants

Avec ce regard de pièta qui nous désarme.

Elle qui m’a nourrit de ces nombreuses robes

Dans le silence mouillé de la rosée, de la brume

Ou dans le sourd vacarme du couchant sur l’enclume

Explosant pétaradantsans qu’on lui jette l’opprobe.

Elle qui m’a parlé de la peau de douce

Depuis ce ciel piquée de feu et voilée de nuit

En mots zéphirs alizées ou burle de bruit

Rappelant la folle sensation qui vers elle me pousse,

Elle me dit tout l’annonce du monde, reflet

Pâle que je vois dans ses yeux, elle me dit de rêver.

A.A

Le parc, je préfère l’écouter.
Il bruit de vie. Une vie qui fourmille et fuse de partout et de nulle part, du plus haut des cieux jusque sous les racines des grands arbres.

Même les fleurs bavardent en secret, s’offrant joyeusement à la chaude caresse de la brise ambiante.
Les ailes des mouettes fendent l’air sans que jamais celui-ci ne s’en plaigne.

Le chuchotis des roseaux se propage sous l’effet d’une soudaine bourraque de vent.

Au loin, une petite fille éternue. C’est le temps des allergies. Allergies ? … À l’air git le relief d’un repas émaillé du chant des oiseaux et des éclats de rire à gorge déployée.

Un monsieur se promène en traînant ses savates.

La foulée d’un homme jeune frappe le sol et résonne avec entrain et détermination.

Des voix se mêlent confusément, noyées dans la sono de la France insoumise.

Le tic-tac de ma montre me ramène à la réalité de la consigne.

Les battements de mon cœur sont à peine perceptibles.

Des poules d’eau cachées dans les joncs s’en donnent à cœur joie.

Le parc bruit de vie. Une vie qui fourmille et fuse de partout et de nulle part, du plus haut des cieux jusque sous les racines des grands arbres.

Corinne H

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