Si on vous dit « En cuisine »… à quoi pensez-vous ?
Voici en collage les ressentis des écrivantes de la Médiathèque Gron lors de l’atelier mensuel d’octobre ! Petit temps d’échauffement créatif avant de se lancer en écriture !




De la cuisine familiale aux odeurs de compote de pommes, de pelures d’oignons qui nous font pleurer avec le chat en vigie sous la table et les théières qui trônent sur les étagères, nous avons découvert les rêveries de la cuisinière en pleine action, compris que les techniques culinaires changent, nous sommes allées aussi en Afrique dans les cases et chez un grand cuisinier japonais.
Ces instants en cuisine ont débobiné le fil de la mémoire et de l’imagination grâce à la lecture de « Les gestes de la cuisine » d’Amandine Marembert et Valérie Linder aux Editions Esperluette.

Texte de Françoise :
Aujourd’hui nous nous retrouvons en cuisine.
Nous allons cuisiner les produits que nous avons récoltés au jardin ou glanés dans la nature.
Les pommes, les poires et les kakis sont dans des paniers. Les cèpes attendent déjà étalés sur du papier journal d’être préparés.
Maman s’attelle à l’épluchage des pommes. Les plus jolies vont servies pour faire une tarte. Clara est la spécialiste des tartes Tatin. Les autres serviront pour faire de la gelée de pommes.
Maman épluche quelques pommes pour Clara. Clara poêle au beurre et au sucre les tranches épaisses de pommes qu’elle installe sur une tôle à tarte quand elles sont transparentes et caramélisées. Puis elle versera le reste du sucre et du beurre caramélisés sur les quartiers de pommes et enfin les recouvrira avec la pâte à tarte. Quand sa préparation sera finie elle l’enfournera. Nous la mangerons en dessert après l’avoir fait légèrement réchauffer et avec une boule de glace à la vanille.
Maman lave les pommes puis les coupe sans les éplucher en petits morceaux, met le tout dans la marmite en fonte, recouvre d’eau ajoute le sucre après l’avoir pesé et ajoute un peu de jus de citron. Puis elle met le tout à cuire sur le feu tout doux. Pendant que la préparation cuit , elle prépare ses pots à confiture qu’elle a préalablement stérilisés et l’étamine pour passer sa mixture et recueillir le jus pour faire sa gelée de pommes.
Pendant ce temps je m’attelle à la préparation des cèpes. Je coupe le bout des pieds terreux, j’enlève la peau sur les chapeaux et j’émince les champignons. Je les lave dans l’eau vinaigrée . Je vais les faire réduire à feu doux avec un peu de beurre. Ils me servirons en accompagnement du rôti.
Le chat est installé sur une chaise. Il s’est roulé en boule et n’est nullement dérangé par nos vas et viens. De temps à autre il ouvre un œil pour s’assurer que son petit monde tourne rond. Il renifle mais les fumets qui se dégagent ne l’attirent pas. Il semble tout surpris, d’habitude quand on cuisine il y a toujours de bonnes choses à goûter ou des plats à lécher. Dommage ! Par contre il apprécie la chaleur qui se dégage de nos activités.
Nous sommes absorbées par nos tâches respectives mais cela ne nous empêche pas de discuter gaiement de tout et de rien. A certains moments nous nous passons des ustensiles de cuisine , nous échangeons des conseils tout cela entourées de bonnes odeurs.
Quand nous aurons fini ce que nous faisons nous nous attaquerons aux poires et aux kakis.
C’est une belle journée d’automne , ce moment partagé entre trois générations dans le plaisir d’échanger tout en préparant des ingrédients qui seront présents dans nos futurs repas de famille, restera un doux souvenir.
Texte de Laurence :
Ou plutôt, la porte de la case s’ouvrira sur une aire de terre battue. ..
C’est en Afrique, dans un village reculé du Sine Saloum, au Sénégal.
Aïssata sera bientôt de retour. Elle a glané, chemin faisant, pour allumer le feu sous le chaudron, quelques branches le long des sentiers de sable rouge, fagotées par une corde de fortune, le poids d’un enfant enroulé dans un pagne, porté dans le dos, bercé à chaque pas et à chaque mouvement de sa mère.
Plus loin devant, les plus grands partent en courant vers l’école avec gourde, bêche et râteau.
De retour à la case, AÏssata n’a pas le temps de rêver … Réveillée avant le lever du soleil, elle a déjà cuit le pain à la farine de sorgho.
Et maintenant, pliée sur les genoux, le boubou saturé de chaleur, le visage épuisé de soleil et de lassitude, la voilà qui touille la bouillie de manioc avec quelques chétifs morceaux de viande de chèvre, dans le faitout culoté et reculotté. Elle s’affaire en silence pour ce repas frugal qu’elle va servir à la famille et peut-être même aux amis du village.
Les meilleurs jours, c’est le Thieboudienne qu’elle prépare…alors c’est la fête autour du plat partagé !
Ce matin, on perçoit une profusion de senteurs de braises, d’épices, de bois brûlé, et le parfum de la terre fraîchement arrosée …et aussi la douceur de la peau d’Aïssata qui frémit à peine sous la chaleur des braises à l’ombre de l’arbre à palabres qui a tout vu, tout entendu.
Texte d’Isabelle :
Le soir est déjà tombé. La pénombre a envahi la cuisine. Il en pousse la porte entrouverte et allume la lumière .
Ni vu ni connu, il était parti plus tôt au cours de l’après-midi, son panier à la main, pour une petite promenade glanage. Maintenant, les discrètes effluves de bolets emplissent déjà la cuisine. Il se réjouit à l’avance de ce qu’il est en train de concocter pour le dîner de tout à l’heure. À cet instant précis, il se sent pleinement vivant.
Au milieu de cette minuscule cuisine, entouré
d’ustensiles divers et variés, de théières ventrues et colorées , posées sur de coquettes étagères, de casseroles rutilantes et d’une imposante cocotte en fonte trônant sur la table ,ses mains expertes de cuisinier virevoltent .Il se met à penser qu’il lui fallait arriver à la retraite pour enfin faire ce qu’il a toujours aimé mais cette fois-ci sans stress et avec plaisir.
Occupé par ses pensées, il n’a pas vu la porte s’ouvrir plus largement ni entendu les pas légers de sa petite fille s’approchant de la table. Elle s’approche de son grand père en humant cet espace chaleureux rempli d’odeurs alléchantes. Un sourire malicieux aux lèvres et le regard curieux, elle se hisse sur la pointe des pieds et observe attentivement la cocotte se remplir petit à petit des bolets cuits ainsi que autres ingrédients. Elle attend, impatiente, le moment où son grand père versera la sauce frémissante , de la petite casserole orange, sur le mélange. Car elle sait qu’elle pourra alors lécher les restes de cette délicieuse sauce un peu refroidie , recueillis au bout de ses doigts.
Bien plus tard , dans quelques années, lorsqu’elle débobinera le fil de sa mémoire , elle se souviendra avec bonheur, de la maisonnette de son grand-père niché au fond d’un bois , de l’énorme cocotte fumante, et de ses petits doigts d’enfant recouverts de sauce.