A la librairie Calligrammes de Sens, un atelier d’écriture ludique et créative d’une heure est proposé le vendredi, pendant la pause du déjeuner.
La librairie est fermée, nous restons six à sept personnes à flâner entre les tables de livres pour glaner le livre en écho de la proposition du jour.
Lors du dernier atelier, la « Lettre ouverte (et féline) aux libraires » écrite par Frédérique Germanaud aux éditions Le Réalgar lors de sa résidence d’écriture à Frontignan était le déclencheur.
Se mettre dans la peau d’un chat au sein d’une librairie, voilà ce que cela peut donner :
Pour ma part, je me verrais bien dans un roman de…
Colette, si gourmande de la vie !
Si, comme elle l’a écrit, « à fréquenter un chat, on ne risque que de s’enrichir » , la réciproque est-elle juste ?
Chez un libraire …peut-être.
Selon que nous squattons chez un puissant ou chez un misérable, la gamelle sera plus ou moins bien garnie, mais notre instinct chasseur nous préserve de cette dépendance, car « à bon chat, bon rat » !
Après, peu importe l’endroit où nous habitons, c’est la personne qui investit les lieux qui nous donne l’envie de rester ou non, et de fureter dans ce théâtre de merveilles. Il faut dire que par nature, un libraire a en général l’esprit curieux et ouvert. Il aime partager l’amour de ces pages noircies sur tant de papiers différents, bible, glacés, velin, recyclés, plus ou moins accueillants et sur lesquels nos griffes peuvent ou glisser ou paresseusement s’accrocher. Les couvertures qui nous servent de couches ont aussi leur importance. Nous pouvons nous affaler sur une pile en équilibre à laquelle s’ajuste notre corps souple ou bien profiter voluptueusement de la chaleur d’une couverture cuir, cartonnée ou de tissu plus ou moins rembourrée.
Un des plaisirs est d’être un peu en hauteur et de jauger, tout en ayant l’air de dormir, cette clientèle en demande de voyage.
Ceux que nous, les chats, redoutons, ce sont les râleurs qui veulent justement consulter le livre sur lequel nous sommes paresseusement posés. Il y aussi les allergiques qui nous contournent avec méfiance, et les pires, les anti-chats qui nous chassent prestement d’un sévère revers de main…
Mais quels qu’ils soient, pour nous autres, chats philosophes, chat ira ! Chat ira !
CLAUDINE
LETTRE A MON LIBRAIRE…
Mon nom est Esope et je vis dans une librairie : je séjourne sur des livres ouverts ou fermés d’ailleurs en permanence. Quand les cartons de livraison arrivent, je me les approprie ; je les flatte car ils vont être chez moi : je saute dans le carton vide pour m’amuser.
Lorsque les visiteurs, souvent des habitués, tournent les pages d’un livre et s’arrêtent sur des passages, en quête d’informations.
Je suis là : je m’installe sur l’ouvrage ouvert déjà pour obtenir une caresse certaine et l’air de dire : demandez-moi. Les sourires sont bienveillants et me confortent dans mon rôle de chat intelligent. Car, je le suis : c’est mon destin qui m’a conduit dans cette librairie et Philippe Geluk le sait. Il m’a rendu célèbre : Ce n’est pas lui la star, c’est moi.
Je me verrais bien dans un livre de Franck SLAUGTHER, médecin et écrivain. Il a été démontré que lorsqu’un patient a subi une grave opération, un chat posé sur son ventre va le déstresser par ses ronrons calmes et apaisants. Nous avons des vertus thérapeutiques conduisant au calme, au bien-être, à la sérénité. J’entends souvent les clients de la librairie dire en soupirant avec le regard posé sur moi “Qu’est-ce que j’aimerais être un chat “. Mes fines moustaches en frémissent de plaisir.
Ce que nous redoutons, c’est le mépris des humains qui insensibles à nos capacités d’instinct, d’affection voire de douceur et de propreté nous appellent des greffiers. Ce sont ceux qui ne vont surtout pas ralentir si nous sommes un peu trop curieux.
J’aime qu’on dise de nous “animaux de compagnie” çà nous va si bien .
Jacqueline L
Nous rêvons secrètement de nous retrouver dans un livre
Nous rêvons secrètement de nous retrouver dans un livre. Pour ma part, je me verrais bien dans un roman de Sherlock Holmes. Je serai un chat passe-muraille ou peut-être gris souris. L’œil vert et vif comme celui du détective qui détecte et analyse le moindre cil, la fine poussière envolée et délicatement posée entre deux tomes, dans un rayonnage de la librairie des Trois granges. J’aurai la moustache frémissante de son docteur Watson. A défaut de chapeau, vous savez, celui dont on affuble en général mon idole, j’aurais, pointues et vigilantes, deux belles oreilles dressées, comme prêtes à faire l’ascension des cartons et des piles de livres, à la recherche de l’intrus. Ou de l’intruse. Et là, après avoir déduit, humé, suivi sa piste, je bondirais, souple et féroce comme le tigre, et, je le croquerais. Qui donc ? Mais ce rat, cette souris, ce souriceau au museau pointu qui croit pouvoir élire domicile dans mon paradis. A bon chat bon rat !
Ah Sherlock Holmes, mon rêve…
Par contre, je ne voudrais pour rien au monde être un vagabond, un chat sans feu ni lieu, sans fauteuil dans lequel se lover, sans livre à humer, sans encre à sniffer. Un matou illettré et sans famille, sans bol de croquette ni eau claire chaque jour renouvelée. Mais je voudrais quand même rester libre et pouvoir flâner à ma guise ; me rouler dans les pissenlits et m’encrer du jaune de leurs pétales, grimper aux chênes de la forêt et jouer avec leurs feuilles comme avec celles d’un livre.
Vous me trouvez exigeant ? Contradictoire peut-être ? Vouloir le dedans et le dehors, la librairie et la forêt ? Et oui, maman me le disait déjà… Nous sommes des êtres hardis, courageux, exigeants. Toujours nous voulons sentir, toucher, nous frotter, sauter…
Ce que nous les chats nous redoutons c’est d’être enfermés, contraints. Sauf peut-être dans une librairie. Mais là, c’est nous qui choisissons !
Catherine
LES CHATS DE LIBRAIRE
Je m’appelle Yuna, je suis noir et blanc ; je suis bavarde comme une pie. J’ai un frère, Mimi, il est roux et tout doux ; lui, ronronne, le plus souvent.
Notre maître est libraire et, tout naturellement, nous vivons dans une librairie, parmi les livres. D’ailleurs, nous rêvons secrètement de nous retrouver dans un livre. Je nous verrai bien dans un roman de Tuomas Kyro pour partager les tribulations d’un lapin en Laponie.
Ce serait sans doute une révélation. De mémoire d’homme, cela s’est-il déjà vu ? Chats et lapin, animaux aux grands cœurs et peut-être un peu voleurs, très demandeurs. Le lapin, de carottes tendres ; les chats, de caresses, au détour d’un présentoir.
Ceux que, nous, les chats, redoutons : ce sont les chiens qui nous coursent sans aucun égard et avec une certaine férocité. Ils sont peut-être plus rapides mais nous sommes plus malins.
Pourquoi cette haine ? Cela doit remonter à la nuit des temps, lorsque les chiens étaient sauvages, proches des loups et aussi parce que les chiens ne font pas des chats et vice et versa. Et il en sera toujours ainsi.
Ce qui fait trembler notre ami lapin. Allez, allez, calme-toi ; rien ne presse. Tuons le doute et faisons naître l’espoir.
Parfois, je rêve. Si le lapin meurt, nous mourrons. Nous sommes tellement amis qu’il est difficile de vivre les uns sans l’autre.
Allons, allons, dit le lapin, n’exagérons rien. Tout va s’arranger. Vous, Yuna et Mimi, moi, Jeannot, nous nous sommes apprivoisés et rien de pourra nous séparer. Nous sommes unis, à jamais, pour le meilleur et pour le rire.
Et les chats de rétorquer : chat, c’est sûr !
Marianne C
Le 22 avril 2022 – avec Corinne Mazuir, à la librairie Calligramme à Sens (89100)
Si le loup...
Nous rêvons secrètement de nous retrouver dans un livre. Pour ma part, je me verrais bien dans un roman de… ou dans une encyclopédie consacrée aux voyages ou, où ?
Mais si j’avais le choix, ce serait… un livre pour enfant !
L’imagination y est reine. J’aurais à portée de griffes des princesses peu farouches, des souris malicieuses et dodues, des loups de pleine lune guettant des enfants sans défense.
Dans ma librairie, il y a un livre que je chéris particulièrement, un livre dont le héros est un loup.
Sur la couverture, il est noir, toutes dents dehors, griffes acérées, langue pendante écarlate, prêt à me dévorer.
Rien qu’à y penser, j’en frémis ! Mais je n’ai rien à craindre, ce n’est qu’un livre d’enfant pour faire peur.
N’empêche, c’est mon livre préféré. Il suffit de bien le caler contre mon ventre, d’insérer une griffe délicate entre les pages cartonnées et le voyage commence.
Car je suis un bon gros chat bourgeois qui adore frissonner de peur.
A chaque page, le livre s’anime brusquement.
Ma grande peur : la gueule, armée de longues dents, qui s’ouvre et se ferme lorsque je manipule la page.
Je frémis. Mon échine se hérisse et il me faut un grand courage pour ne pas faire l’ascension des étagères qui m’entourent.
Alors, je referme le livre. Je le pousse délicatement. Puis je me love sur la couverture et m’endort tranquillement. Je rêve à ma princesse blanche, mon amoureuse, ma libraire.
JDR
« Atelier Calligrammes »
22 avril 2022